16 décembre 2017

Résultats des coupes budgetaires : seulement 44% des aéronefs militaires en état de voler


Avec un budget de 4 milliards d’euros par an, dédié à la maintenance, plus d’un appareil sur deux n’est donc pas en état de vol. Florence Parly "lance" un grand plan de réorganisation, et hausse le ton face aux industriels.


Un plan de plus ? La ministre des armées Florence Parly a présenté lundi 11 décembre, depuis la base aérienne 105 d'Evreux, un grand plan de modernisation des opérations de maintenance des avions et hélicoptères de l'armée, le "MCO aéronautique" en jargon militaire (maintien en condition opérationnelle). Le constat : avec un budget de 4 milliards d'euros par an, en augmentation de 25% en cinq ans et des effectifs de 22.000 personnes dans les armées, les chiffres de disponibilité des avions et hélicoptères de l'armée restent catastrophiques. Le taux de disponibilité moyen atteint seulement 44%, contre 55 % en 2000. En clair, 56% des matériels aéronautiques de l'armée ne sont pas en état de voler, alors que les forces françaises restent durement mises à contribution au Sahel et au Levant.

La situation est encore plus grave pour certains types de matériels. Si le Rafale atteint le chiffre, moyen sinon médiocre, de 49,3%, d'autres taux de disponibilité tiennent du cataclysmique : 22,5% pour l'avion de transport C-130, 25,6% pour l'hélicoptère de combat Tigre, 31,7% pour les Caracal de l'armée de terre, 26,7% pour les Lynx, selon les chiffres obtenus par le député François Cornut-Gentille. Le général André Lanata, chef d'état-major de l'armée de l'air, précisait même récemment devant les députés de la commission de la défense ne pouvoir compter que sur un à deux A400M, sur une flotte actuelle de 12 appareils"Les conséquences de tout cela sont que les équipages s'entraînent moins, les formations de pilotes sont contraintes, les techniciens sont sur-sollicités, et le coût de l'heure de vol augmente", souligne Florence Parly. Le coût d'une heure de vol en Caracal est ainsi passé de 19.000 à 34.000 euros de 2012 à 2016, soit une explosion de 81%. Quant à l'heure de C-130, elle est passée de près de 6.000 euros en 2012 à 15.000 euros en 2016, soit une augmentation de 150 % !

Organisation ultra-complexe

Pourquoi ces performances désastreuses ? Les causes sont multiples. Il y a bien sûr la mise à contribution énorme - excessive des forces françaises sur des théâtres d’opérations très exigeants (Sahel, Levant), où la chaleur et le sable provoquent une usure accélérée des moteurs d’avions et turbines d’hélicoptères. Les suppressions importantes d’effectifs dans les armées, avant une petite remontée en puissance depuis 2015, ont aussi laissé des traces : le ministère avait prévu sept mécaniciens par Rafale, alors qu'il en faut finalement douze, comme le rappelait le général Lanata en octobre. Il y a aussi un effet de ciseau pour l'outil de maintenance, entre des programmes nouveaux, avec des appareils pas encore matures et donc chers à l’entretien (A400M), et des équipements anciens en bout de course de plus en plus difficiles à maintenir en état de vol (Transall, C-130, Cougar, Puma, Lynx).

L’autre cause majeure des performances catastrophiques du MCO aéronautique, bien mise en évidence dans le rapport sur le sujet remis dernièrement à Florence Parly par l’ingénieur général de l’armement Christian Chabbert, est l’organisation de l’outil de maintenance. Celui-ci apparaît bien trop complexe, avec une grande dispersion des responsabilités. Les acteurs sont multiples : il y a un maître d’ouvrage public, la SIMMAD (Structure intégrée du maintien en condition opérationnelle des matériels aéronautiques du ministère de la défense). Il y a un industriel public, le SIAé (Service industriel de l’aéronautique), censé challenger les industriels privés pour les faire baisser leurs prix (???). Il y a les constructeurs et motoristes (Airbus, Dassault, Safran, Thales…). Il y a enfin les industriels spécialisés (Sabena Technics, Air France Industries). Du fait de cette dilution des responsabilités, la maintenance du Tigre fait ainsi l’objet d'une trentaine de contrats différents ! 

Privatisation : Les industriels futur maîtres d’œuvre

Le plan annoncé par Florence Parly vise à terme à la privatisation. Une hausse des moyens n’est pas envisagée, même si ceux-ci apparaissent insuffisants. L’organisation d’ensemble va en revanche être bouleversée : une nouvelle direction, la DMAé (direction de la maintenance aéronautique), sera créée le 1er mars 2018. Celle-ci, directement rattachée au chef d’état-major des armées, remplacera la SIMMAD, avec un directeur responsable de la performance du MCO aéronautique. L’accent doit être mis sur la signature d’un nombre restreint de contrats "longs et globaux", qui doivent responsabiliser un industriel unique de bout en bout (...qui pratiquera des marges supplémentaires élevées afin de couvrir ses frais de gestion et de stockage).

En métropole et pour chaque aéronef, un industriel sera nommé maître d’œuvre unique : celui-ci coordonnera les travaux des organismes publics et privés. Les armées seront désengagées de la logistique aéronautique (pièces de rechange…) en métropole, au profit de "guichets logistiques industriels" installées dans les bases aériennes. Les contrats seront renégociés sur toutes les flottes d’hélicoptères, puis sur le Rafale, dont les contrats de maintenance arrivent à échéance dans les 18 prochains mois. Quant au SIAé, une étude complémentaire de six mois sera lancée pour améliorer ses performances, en lui donnant plus de liberté d’action sur les achats, les partenariats et les ressources humaines. Il conservera, dans tous les cas, son statut public.

Message aux industriels

La mission confiée par la ministre à l'outil de maintenance français s'annonce compliquée. Car il n'y a guère de recette miracle à copier depuis l'étranger : l'Allemagne connaît les mêmes problèmes de disponibilité, avec seulement 32 % de ses chasseurs Eurofighter Typhoon en étant de vol, et 28,6% des hélicoptères Tigre. Mais tout en reconnaissant que "le taux de disponibilité ne va pas grimper du jour au lendemain", Florence Parly a rappelé qu’elle "veut" des résultats concrets dès 2020. Un message largement adressé aux industriels. "Nous achetons pour voler, pas pour stocker : ni dans des hangars ni sur des parkings, a rappelé la ministre. Il me semble paradoxal que je doive préciser ce qui paraît pourtant évident : "il faut que ça vole", comme on dit dans les escadrons, les flottilles et les régiments. Est-ce trop demander ? Mesdames et messieurs les industriels, je vous pose, avec franchise et très directement, cette question." 

D'après https://www-challenges-fr.cdn.ampproject.org/c/s/www.challenges.fr/entreprise/defense/56-des-avions-incapables-de-voler-l-incroyable-talon-d-achille-de-l-armee-francaise_519262.amp

Réponse des industriels amusés : "Pas de pépettes, pas de piécettes".

Mignonne la p'tite dame à trépigner ainsi, dans son tailleur Chanel !

Toutes les armées occidentales sont dans la même situation. Budgets anémiques, matériels de plus en plus coûteux, trop diversifiés, certains, anciens, d'autres trop récents, la logistique est devenue très complexe, ou pour diminuer les prix, on soustraite la fourniture des pièces aux intermédiaires moins disant, qui sont loin d'être les plus efficaces. On doit grouper les demandes avant de commander les pièces détachées, ce qui impacte énormément sur la disponibilité de ces pièces. Certaines pièces demandent de relancer des petites séries, ce qui est long et hors de prix. Il s'agit d'une seule pièce manquante pour immobiliser un appareil.
Tous les pays s'y cassent les dents et ce n'est pas une ministresse braillarde qui va solutionner le problème par un coup de gueule, sauf à réorganiser toute l'armée en limitant de façon draconienne le nombre de matériels et le nombre de versions/matériel. Quoi qu'en dise Paulette, le problème est et restera le budget alloué, irréaliste, économies obligent !
La solution, connue de tous, consiste à stocker suffisamment de pièces détachées dans un magasin central, en fonction de la rotation de chacune, qui peut varier avec la sollicitation de certains matériels. On y arrive au moyen de logiciels de gestion des stocks et de personnes compétentes pour les paramétrer, avec le budget nécessaire bien-sur...

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