23 septembre 2017

La Californie insurrectionnelle


Loin des débats washingtoniens mais plus que jamais activiste, la Californie poursuit son évolution vers rien moins que la sécession. Le texte auquel nous nous référons a l’avantage de présenter l’avis d’un observateur qui est réputé pour sa mesure et son peu d’appétence pour les thèses extrémistes et les spéculations hasardeuses. Le colonel Pat Lang, ancien de la DIA et animateur-éditeur du site Sic Semper Tyrannis (SST), se penche rapidement sur le cas de la Californie alors que le gouverneur de cet État, Jerry Brown, est sur le point de signer une loi refusant toutes les directives fédérales contraignantes sur l’émigration. Ce processus est nommé nullification, selon une théorie constitutionnelle qui considère la fédération constituant les USA comme un artefact reposant sur l’accord des États qui le constituent pour l’établissement et le fonctionnement d’un gouvernement central, mais sans pour autant être forcé d’appliquer toutes les décisions de ce gouvernement.

La nullification est donc une thèse qui, à l’extrême d’un tel désaccord, conduit à la sécession de l’État en question, selon un processus qui serait alors considéré comme complètement constitutionnel. Ainsi Lang estime-t-il qu’il n’y a rien dans la Constitution qui interdise la sécession, contrairement à ce qui fut affirmé après la Guerre de Sécession, et que la voie choisie par la Californie doit effectivement y conduire, – nullification, puis sécession. Pour lui, la victoire du Nord en 1865 imposa un refus de la sécession par la force, un cas de “force majeure” qui ne modifie en rien l’esprit de la loi qu’il juge orienté vers le droit à la sécession.

Lang insiste sur la personnalité du ministre de la justice (Attorney General) de l’État de la Californie (qui est restée théoriquement une “république de Californie”), Xavier Becerra, d’origine mexicaine et qui joue implicitement mais nettement la carte de la Reconquista. (“Reconquête” mexicaine de la Californie selon les mouvements indépendantistes hispaniques d’origine mexicaine, impliquant un retour au Mexique de cette terre qui fut annexée par les USA en 1848.) La sécession impliquerait alors une indépendance basée sur la proximité avec le Mexique comme le suggère la politique migratoire de la Californie, entièrement ouverte à la population mexicaine. Il faut évidemment noter que la communauté d’origine mexicaine est désormais, depuis 2014, la première de l’État avec 14% de la population. (Les Latinos, comprenant d’autres communautés d’origine d’Amérique latine en plus de la mexicaine, constituent autour de 35% de cette population.)

Voici un extrait du texte de Pat Lang, du 22 septembre 2017

« California is now embarked on a course of nullification of federal law and regulations. Becerra, the new AG of the state seems to see himself as a 21st Century Joaquin Murietta, the mythic 19th Century leader of Hispanic resistance to US government authority.

» The state is refusing to cooperate with federal authorities on a variety of immigration issues. The state legislature has now passed a law that declares the state to be a sanctuary for people illegally resident in the United States. Governor Brown is expected to sign this into law. To my mind that signature will put California in a state of rebellion against the federal government.

» From this to secession from the Union is a plausible step if the nullification of federal law is successful. »


D’une façon générale, l’évolution de la Californie, surtout depuis l’élection de Trump, est suivie avec une certaine attention mais sans qu’on en tire toujours toutes les implications. Avant-hier encore, lors d’un débat sur la chaîne française LCI, sur les événements en Espagne, particulièrement en Catalogne avec les mesures de police prises par Madrid contre la direction de la province pour empêcher le référendum sur l’indépendance, l’évolution de la Californie était mentionnée dans le cadre de ce mouvement de dévolution des régions par rapport à un État central. Cette conception est souvent utilisée par les “européistes” pour affirmer qu’on assiste au déclin de l’État-nation, c’est-à-dire au déclin du “souverainisme” et du principe de la souveraineté nationale (bien entendu au bénéfice d’une structure fédéraliste comme l’est l’UE).

Si l’on veut effectivement utiliser cette logique, le cas californien est tout simplement l’inverse. Le cas de la sécession aux USA implique une hostilité au principe de la fédération pour la raison de la confiscation de la souveraineté des États par un centre qui n’a lui-même aucune souveraineté historique, aucun principe de cette sorte pour le charpenter décisivement. Plus encore, la sécession, dans ce cas, met en échec la constitution d’une entité (chose vague et indéfini, ayant pris un sens disons “vaguement péjoratif” dans l’entendement du débat politique aujourd’hui) au nom de l’affirmation d’une identité qui s’exprime en général à partir d’une souveraineté, parce qu’une identité est par définition souveraine dans les domaines qui la concernent et où elle s’exerce. On voit donc que le cas de la Californie par rapport aux USA ne peut entrer dans la même logique de ceux qui croient voir dans le cas de la Catalogne le signe d’un recul de l’État-nation par rapport à l’UE.

(On notera même que l’argument est discutable dans le cas de la Catalogne par rapport à l’UE, par les effets qu’il rendra. Notre opinion est bien que l’UE ne tient que parce que les États-nations, ayant perdu pour beaucoup le sens de leur souveraineté, le veulent ainsi ; l’UE est la fille de la trahison des États-nation par eux-mêmes.)

D’une façon générale, on est en effet tellement préoccupée dans de tels cas par l’argument de la globalisation et du triomphe des entités supranationales (l’UE) qu’on en oublie qu’une sécession de la Californie est un acte révolutionnaire absolument fondamental parce qu’il mettrait en cause la puissance formidable des USA, pour nombre de raisons évidentes qu’on a déjà vues (présence en Californie de forces industrielles et économiques considérables comme Hollywood et Silicon Valley)… Et, à ce point, c’est la globalisation elle-même, soutenue et initiée dès l’origine par le centre washingtonien, qui est mise en cause par un tel acte.
 

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