02 janvier 2015

Piketty :ce n'est pas le rôle d'un gouvernement de décider qui est honorable !

Thomas Piketty, le 20 novembre à Istanbul. METIN PALA/ANADOLU AGENCY

Sa méthode, ses constats et ses préconisations : comprendre la réflexion de Thomas Piketty... et pourquoi il a refusé la Légion d'honneur.

L'économiste français Thomas Piketty, dont l'ouvrage "Le Capital au XXIe siècle" connaît un immense retentissement international, a refusé de recevoir la Légion d'honneur ce 1er janvier 2015. Il a notamment argué que ce n'est pas "le rôle d'un gouvernement de décider qui est honorable" et qu'il faudrait mieux "se consacrer à la relance de la croissance en France et en Europe".

Cet article, ce "Piketty pour les nuls", a été publié en novembre dans "l'Obs".

"Le Capital au XXIe siècle" décrit comment nous marchons vers une société aussi inégalitaire qu'au XIXe siècle. Explications.
 
Sa méthode

L'économiste a compilé les données fiscales d'une vingtaine de pays développés du XVIIIe siècle à nos jours. Il en a tiré de précieuses informations sur la répartition de la richesse - distribution des revenus, des capitaux - avant d'en tirer certaines leçons.
 
Ses constats

1. Au début du XXe siècle, même si la révolution industrielle a fait monter le salaire des travailleurs, les pays occidentaux étaient très inégalitaires, car le capital n'était détenu que par certaines familles. Par exemple, en Europe, les 10% les plus riches captaient 45% des revenus et détenaient 90% du patrimoine.

2. Les guerres mondiales et la Grande Dépression ont réduit considérablement les inégalités, les rentiers ayant vu leur patrimoine disparaître. Aux Etats-Unis, dans les années 1950, les 10% les plus riches percevaient 35% des revenus contre 4% entre 1910 et 1920.

3. Durant les Trente Glorieuses, les inégalités sont restées à un niveau relativement bas : la croissance hors norme et la mise en oeuvre de systèmes fiscaux et sociaux performants ont permis l'émergence d'une classe moyenne qui a pu se constituer un patrimoine.

4. Depuis les années 1980, les inégalités montent en flèche. Aux Etats-Unis, les impôts sur les très hauts salaires et sur l'héritage ont été beaucoup réduits, tandis que les bonus des « super-managers » ont explosé. Résultat : depuis les années 2000, les 10% les plus riches y captent à nouveau 45% des revenus. Les détenteurs de biens immobiliers ont remplacé les propriétaires terriens des siècles passés et l'héritage a repris le pas sur le mérite, notamment en Europe et au Japon.

5. Avec la croissance faible, les revenus du capital - intérêts, dividendes, loyers, plus-values... - sont supérieurs à ceux du travail. Le patrimoine se concentre - notamment en Europe -, les revenus du travail aussi - notamment aux Etats-Unis. Et les grosses fortunes grossissent bien plus vite que les petites. Enfin, les Etats sont endettés, mais le capital privé a progressé encore plus rapidement que la dette publique.

Ses préconisations

1. Instaurer un impôt sur le revenu très progressif, avec un taux de l'ordre de 80%, comme c'était le cas aux États-Unis entre 1930 et 1980, pour les revenus supérieurs à 400.000 euros par an.

2. Instaurer un impôt progressif sur les grandes fortunes, si possible au niveau mondial, sinon au niveau continental. Les fortunes seraient taxées à 1% au-delà de 1 million d'euros, à 2% au-delà de 5 millions d'euros, etc.

3. Cesser la politique d'austérité en Europe et investir dans l'éducation afin de relever le niveau de croissance.

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